14/04/2021
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Atelier philo : le langage
Le langage, par Agnès Veillet
Première approche qui se veut une invitation aux lecteurs.
L’homme qui parle, le plus souvent se tait et nous connaissons tous les excès du bavardage, des paroles stériles qui ne sont que du bruit et du vent. La langue est la pire et la meilleure des choses disait Esope. Comment en effet ne pas lui donner raison ? Rien n’est pire que la parole qui parle pour parler et qui ne dit rien. C’est ce que semble confirmer notre temps avec des prises de paroles souvent inconséquentes, irréfléchies et sources de violence. D’où l’intérêt de questionner cette capacité inscrite dans le langage, capacité inouïe qui interroge le rapport de l’homme à la réalité, aux autres mais aussi à lui-même. Nous sommes face à une créativité presque illimitée. Ainsi de la littérature, de la poésie, du langage mathématique, de l’art en général. Cette puissance venue des mots nous la trouvons symboliquement dans la Bible. Les premières pages de ce texte fondateur de notre tradition judéo-chrétienne, racontent comment Dieu aurait créé le monde : « Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut…Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit ». Quel que soit le statut que chacun de nous peut accorder à ce récit, nous pouvons tous y lire la force extraordinaire attribuée dès l’origine au langage qui fait exister les choses. Il n’est même pas nécessaire de remonter à la Bible pour comprendre que les paroles peuvent avoir un pouvoir d’engendrement : un philosophe anglais contemporain, Austin a qualifié de « performatifs » des énoncés comme : »je te promets », « je te jure » qui sont par eux-mêmes des serments ou des promesses, bref des actes. La psychanalyse enfin nous a montré cette puissance des mots puisque pour elle « tout est langage », au sens où tout ce que nous disons ou taisons dit quelque chose de nous-même. « Il n’y a d’inconscient que chez un être parlant » remarque J Lacan.
Cette force du langage et l’intérêt qu’il ne cesse de susciter apparaissent très tôt dans l’histoire et les sophistes dès l’Antiquité furent sans doute les premiers à prendre conscience de cette richesse dans l’usage qu’ils en firent pour persuader dans les assemblées. Aristote lui-même, dans la Politique, livre I verra dans le langage la capacité d’exprimer des pensées à l’aide de signes articulés, ce qui selon lui distingue l’homme de l’animal.
Mais si le langage représente comme le rappelle le linguiste Benveniste « la forme la plus haute d’une faculté qui est inhérente à la condition humaine, la faculté de symboliser », autrement dit de représenter le réel par des signes et de saisir ces signes comme représentants ce réel, la question se pose de la prétention presque sans limites de cette capacité. En termes simples, peut-on tout dire et n’y a-t-il pas de l’indicible, entendu non seulement comme ce qui relève de l’ineffable, de l’insaisissable faute de moyens, mais aussi de l’incommunicable lié au rapport que l’homme entretient avec le monde mais aussi avec autrui ? Ce sont ces questions qui vont nourrir notre cheminement, depuis celle de l’origine du langage, de sa spécificité humaine par exemple.
A vos questions, vos idées et peut-être vos propres analyses.